3) Avenir du Chiffrement

1) Introduction

Les techniques de chiffrement ont de tout temps été et sont toujours en pleine expansion, visant à atteindre un idéal de sécurité : une sécurité totale.

Les nouvelles technologies aidant, cet idéal (qui était du domaine de l’utopie il n’y a pas si longtemps) est aujourd’hui à même de se concrétiser, bien que demandant beaucoup de temps et de recherches. La cryptographie quantique, apparue il y a environ une quinzaine d'années, symbolise l’eldorado de la sûreté, bien que les connaissances actuelles dans le monde de l’infiniment petit soient encore relativement réduites.

La visée de cette technique nouvelle génération n'est plus tellement de garantir la confidentialité absolue des données, puisque les techniques plus «  traditionnelles » répondent à ce besoin ; mais bien de parvenir à un problème majeur de cryptographie : la transmission d'une clé de chiffrement sur un réseau public.

2) La cryptographie quantique

La cryptographie quantique utilise un principe physique (au contraires des méthodes « classiques », elles mathématiques) complexe puisque impossible à prévoir : le comportement de la lumière sur une fibre optique. Cette technique nécessite pour les deux correspondants deux canaux : un canal quantique (destiné à l’échange des photons polarisés), et un canal radio (non protégé ; destiné à la discussion simple).

Principe

Transmission de la clé : l’émetteur envoie une série de photons (« particules » de lumière), chacun polarisé (aligné) secrètement par celui-ci selon quatre angles différents sur la fibre optique. Chaque photon correspond à un bit d'information et prendra à l’arrivée au destinataire la valeur 0 ou 1, qui correspond au choix d’alignement des photons, convenue entre les deux correspondants. Cette valeur est donc déterminée par la polarisation d'origine définie par l’émetteur.

Le destinataire dispose d'un filtre polarisant, avec seulement deux axes de réglage possible : oblique ou vertical. Il en choisit un au hasard pour chaque photon reçu ; les photons correctement alignés à la réception seuls arrivent ; les autres se perdent.
(D'autre part, si un filtre réglé verticalement laisse bien passer les photons polarisés à la verticale (0°) et bloque ceux polarisés à l'horizontale (90°), il est totalement impossible de prévoir son comportement devant des photons polarisés sur un axe oblique (45 ou 135°). Le filtre en laissera certains passer, et d’autres pas. Cette incertitude quantique garantit l'inviolabilité de la communication.)

À l'issue de la transmission, les deux partenaires font le point sur les photons émis (polarisation) et reçus (réglage de filtre). Il devient alors possible de déterminer statistiquement le taux d'erreurs du destinataire dans la réception des photons ; erreurs dues à ses propres mauvais choix d'alignement mais également à l'imprécision quantique naturelle. Un intrus extérieur sur la ligne viendra totalement bouleverser ces statistiques, ainsi sa détection sera aisée. Si aucun intrus n'a été détecté, les photons arrivés, associés à leur bit d'information (0/1), constituent la clé permettant de chiffrer un document à l’aide de n’importe quel algorithme. On notera que cette clé est "jetable" (ne peut être utilisée qu'une seule fois) et totalement aléatoire, et convient donc bien sûr parfaitement à maintenir la sécurité de la transmission.

Pour mieux comprendre :

3) Améliorations apportés au fil du temps

Depuis les années 90, de nombreuses expériences ont lieu dans le domaine du codage par photons et de leur transmission. Cependant des problèmes demeurent, par exemple l’émission d'une succession de photons parfaitement distincts les uns des autres ; ou encore, la modification de la polarisation des photons au cours de leur voyage dans la fibre.

Pour coder les bits, les chercheurs utilisent à présent une propriété des photons : leur phase. Moduler cette phase revient, en quelque sorte, à modifier la pureté et la facilité de direction de la lumière (cette caractéristique se conserve dans la fibre).

Cependant, une tentative de corriger le premier problème énoncé plus haut à été expérimentée : en effet, contrairement à ce qui arrive dans la fibre optique, la polarisation photonique ne se modifie pas dans l'air. D'où cette tentative de les transmettre dans un milieu naturel.
Cette transmission s’arrête pour l'instant à des communications horizontales du sol au sol dont la principale limitation est l'absorption des photons par l'air. Mais au-delà de 5 km au-dessus de la surface terrestre, l'air est moins dense et cette absorption diminuée.
Finalement, la cryptographie quantique dans l'air pourrait très probablement utiliser des satellites situés non loin de l’orbite terrestre.

4) Conclusion

Ainsi, la mécanique quantique à apporté au monde de la cryptographie ce que l'on pensait jusqu'ici totalement irréalisable : la possibilité d'une transmission absolument sécurisée, et qui de plus permet de détecter la présence d'un intrus ! Ce dernier point, toutefois, s'applique seulement à la théorie car il a été démontré récemment que les données transmises peuvent être interceptées par un tiers sans forcément le détecter... En effet, en cas d'attaque par le milieu (enchevêtrement quantique de photons ayant pour but de percer le code de chiffrement employé), l'on peut obtenir la clé sans perturber l'échange entre émetteur et destinataire.
Mais ce bémol n'ôte rien aux capacités sécuritaires de la cryptographie quantique, tant celles-ci sont extraordinairement complètes et d'un niveau jusqu'alors jamais atteint.

Mais il faut compenser avec une autre constatation : le développement des ordinateurs quantiques. En effet, un ordinateur quantique offre théoriquement une puissance de calcul inimaginable actuellement. Cela entraînerait la fin des algorithmes modernes ! Par exemple, un ordinateur quantique permet de casser n'importe quel hash MD5 en quelques millièmes de seconde, ou un algorithme AES en quelques dixièmes de seconde ! L'arrivée de la maîtrise humaine du monde quantique va donc faire muter les algorithmes. Il est un point important à expliciter : la complexification des algorithmes ne sera plus suivie par l'Homme. En effet, il faudra inventer des modèles mathématiques pour créer des algorithmes, tant l'avènement du quantique compliquera les choses. Mais les ordinateurs quantiques ne sont pas près d'arriver dans les foyers. On prévoit une période de 40 ans entre le premier supercalculateur quantique fonctionnel, qui sera sûrement utilisé à des fins de cryptographie, et l'arrivée des ordinateurs quantiques dans le commerce. C'est donc les gouvernements et les institutions seules qui pourront, durant un certain temps, accéder à cette toute-puissance dans le domaine de la cryptographie.

Tout donne à croire que la cryptographie, bénéficiant de l'avancée future en matière de physique quantique, permettra un jour, qui sait ? la sécurité 100% pour tous, à la portée de chacun.


Bibliographie :